vendredi 29 août 2014

Comprendre le « Growth Hacking » : « le culte de l’abstrait » (2)

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Nous avons abordé dans le billet précédent le concept d’abstraction en présentant la différence entre l’abstraction et l’abstrait. Dixit Michel Volle dans un de ses articles :

« L'abstraction est nécessaire à l'action : nous ne pouvons agir que si nous possédons des concepts pour classer nos perceptions et représentations, y compris pour des actions quotidiennes comme conduire une voiture ou faire la cuisine. L’abstraction est l’activité, la pratique, qui nous permet de produire des concepts, d’abstraire. Mais l’abstrait, lui, est le résultat de l’abstraction, résultat qui peut être coupé de toute action, de toute intention pratique. ».

Prenons un exemple simple, un commerçant de fruits qui va au marché sait qu’il doit vendre ses fruits à des personnes intéressées par sa marchandise. Il sait que lors de la saison des fruits où il y a abondance, il doit baisser le prix. Hors saison, il relève le prix. S’il n y a pas assez de personnes intéressées ou s’il se trouve face à plusieurs concurrents, il doit faire des promotions, baisser les prix, proposer des remises exceptionnelles si une personne achète une quantité élevée de fruits. Toutes ces connaissances-là, il l’apprend par son expérience, au contact des clients (personnes intéressées par sa marchandise) et à sa présence sur le marché. Pour agir, il sait qu’il a un produit, des clients, un marché, des concurrents, des saisons,…etc. C’est cela l’abstraction. Tous ces concepts lui permettent d’agir. Un des abstraits de cette situation est la fameuse loi de l’offre et de la demande, pour ceux qui ont fait ou lu quelques cours d’économie. Vous pouvez voir les détails de cette loi en faisant une simple recherche sur Internet. L’offre ici, ce sont les fruits, la demande, c’est la clientèle. Il y a des facteurs qui influencent l’offre et la demande comme le prix, la quantité de fruits disponibles sur le marché (concurrence). En voyant les développements de cette loi et sa mathématisation, vous comprenez qu’elle a été coupée de toute action, de toute intention pratique : c’est cela l’abstrait. Mais pour y arriver, il a fallu qu’on parte du petit commerçant, de l’observation de petites activités économiques.

Pour paraphraser Sean Johnson, l’abstrait est un résumé de l’expérience en concepts qui peuvent être largement appliqués à une variété de situations. Cela permet de traiter rapidement des problèmes complexes et surtout apporte une clarté devant les situations. Seulement, il faut éviter d’être prisonnier de ces concepts, tout simplement parce qu’ils ne sont pas en apesanteur : ils tirent leur pertinence à partir d’expériences contrôlées appelées « recherche ».

Je convoque encore Michel Volle pour illustrer mon propos :

« Certains penseurs passés ont produit, par un effort d’abstraction, des architectures conceptuelles imposantes. Ces architectures sont pour notre pensée comme les monuments d’une ville : un ornement, un équipement, parfois une gêne. Entre l’acte de bâtir, qui suppose de nombreuses décisions, et le bâtiment existant, qui impose à l’utilisateur les décisions dont il porte la trace, il existe la même relation qu’entre l’abstraction et l’abstrait. »

Nous sommes ainsi éduqués dès notre plus jeune âge à mémoriser « l’abstrait » et non à comprendre la démarche qui a permis de passer de l’abstraction à l’abstrait.

C’est pour cela que Michel Volle a intitulé son article le « culte de l’abstrait » et il confine déjà ce comportement à une religion :

« Cette idolâtrie, partout et toujours célébrée, jamais perçue, est la vraie religion de notre société. Sa puissance destructrice est immense. C’est elle, en particulier, qui rend l’enseignement si ennuyeux. »

Autre illustration, dans le dernier livre de Ha-Joon Chang, « Economics : The User’s Guide », il précise ceci :

« (…) 95 per cent of economics is common sense (…) Economics is not alone in appearing to be more difficult to outsiders than it really is. In any profession that involves some technical competence – be it economics, plumbing or medicine – jargons that facilitate communication within the profession make its communication with outsiders more difficult. A little more cynically, all technical professions have an incentive to make themselves look more complicated than they really are so that they can justify the high fees their members charge for their services.”

(Tr.) 95% de l'économie, c’est le bon sens (...) L'économie n'est pas la seule à apparaître plus difficile pour les non-initiés. Dans toute profession qui implique une certaine compétence technique - que ce soit l'économie, la plomberie ou la médecine – les jargons qui facilitent la communication au sein de la profession rendent sa communication plus difficile avec le monde extérieur. Si on veut être un peu plus cynique, on dira que toutes les professions techniques sont incités à apparaître plus compliquées qu'elles ne le sont vraiment afin qu'elles puissent justifier les frais élevés que leurs membres facturent pour leurs services.

Quand Google réalise 50 milliards US dollars rien que pour la publicité en ligne, on déduit assez facilement que la façon de faire de la pub il y a 10 ou 15 ans n’est plus la même aujourd’hui. C’est pour cela qu’il est important de garder les pieds sur terre et de ne pas se dresser devant un bruissement, fut-il un effet de mode. L’important étant d’avoir l’esprit de recherche, de ne pas être embrigadé par les résultats des recherches passées mais d’être animé par la démarche de recherche.

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