Il y a de cela dix ans, j’entendais parler de Stephen King tellement en bien, de son génie en écriture et je me posais bien la question sur une telle effervescence en me disant bien que la « star system » qui avait happé l’industrie cinématographique en lui donnant un nouveau souffle financier était en train de devenir un phénomène rampant dans l’écriture… Il a fallu que je tombe sur l’un de ses romans pour que je comprenne que ce n’était pas encore le cas pour le moment : je l’ai dévoré d’un seul trait malgré son volume. Son sens de la narration est incroyable.
On entend souvent parler qu’un auteur a un « style d’écriture » et des définitions de ce concept sont nombreuses. Mais je ne souhaite pas aborder ces définitions, pour la simple raison que fidèle à notre stratégie de mise en correspondance du « parler » et de « l’écrire », je souhaite présenter ce concept sous cet angle. Je dois rappeler que style et voix sont confondues ici, même comme certains auteurs font la différence. Ce billet a été inspiré par le livre de Peter Elbow, “Everyone Can Write: Essays toward a Hopeful Theory of Writing and Teaching Writing”, qui aborde en profondeur ce concept de voix de l’écriture.
Je vais annoncer ce sujet par une situation dont nous vivons tous les jours sans toutefois y prêter attention. Avez-vous déjà eu une panne de l’afficheur de votre téléphone portable ? Si cela a été le cas, vous allez observer que vous reconnaissez à plus de 90% les voix de vos proches et ceux avec qui vous avez l’habitude de converser. Même si vous n’avez pas une panne d’afficheur et qu’une connaissance vous appelle à partir d’un autre poste téléphonique, vous reconnaissez votre interlocuteur sans qu’il présente son nom, parfois même après plusieurs mois ou années.
Nous identifions et reconnaissons nos connaissances par le timbre de leur voix.
Autre point à noter, lorsque notre proche au bout du fil est enrhumé ou en pleurs, nous reconnaissons toujours le timbre de sa voix. Et lorsque notre proche veut nous annoncer une heureuse nouvelle ou une mauvaise nouvelle, nous sentons la couleur avant qu’il ne l’annonce, grâce à l’intonation de la voix.
Malgré l’unicité du timbre la voix, nous employons différents tons de voix à différents moments et situations. Notre voix donne une indication sur nos émotions, de ce que nous ressentons ou vivons.
La façon dont nous répondons au téléphone à nos amis est évidemment différente lorsqu’on est en ligne avec notre employeur, nos parents, notre petit-ami(e),…etc. Le ton est plus respectueux avec l’employeur ou supérieur hiérarchique, amical et relâché avec des amis, ferme et assurant avec des stagiaires que vous formez, doux et flatteur avec une petite-amie,…etc.
Notre voix tend à changer en fonction des différentes personnes avec qui on interagit. L’audience a un grand effet sur la voix.
Peter Elbow affirme qu’au commencement, toute littérature était voix, par référence à la culture orale qui a dominé toutes les cultures dans le monde. C’était la parole, la musique ou le chant qui étaient la littérature. Et qu’aujourd’hui, la littérature est devenue simplement du texte, des mots sur une page. Peter Elbow continue avec cette citation qui est importante pour comprendre l’utilisation de la métaphore de la voix pour l’écriture :
« Voice is produced by the body. To talk about voice in writing is to import connotations of body into discussion (…)”.
La voix est produite par le corps. Parler de la voix dans l’écriture, c’est importer toutes les connotations du corps dans la conversation.
Cela rejoint le point que nous avons abordé dans le précédent billet, écrire bien, c’est savoir transcrire les émotions et passions du langage du corps avec des mots. J’avais dit dans mon précédent billet que parler est une affaire de mots, de voix, de gestes, d’expressions faciales, de contact visuel, de proxémie, d’haptique et de signes tandis qu’écrire est juste une affaire de mots, avec les règles qui accompagnent la composition de ces mots. C’est pour cela que Peter Elbow affirme que le langage parlé a plus de canaux sémiotiques que l’écriture, que la conversation a plus de canaux pour transmettre une intention, un message que l’écriture. Pour Peter Elbow, la voix (en tant que parler) engage le son, l’écoute (l’ouïe), et le temps. L’écriture ou le texte engage la vue et l’espace.
L’écriture n’a que les mots pour transmettre l’intention ou le message de celui qui veut communiquer, tandis qu’on peut atteindre le même but dans une conversation avec les mots, la voix, les gestes, les expressions faciales, les signes,…etc.
Cela ne veut pas dire que l’un est supérieur à l’autre mais que l’écriture, bien que disposant de moins de canaux, emploie des moyens subtils pour atteindre le même but qu’une conversation. La principale ressource de celui qui écrit est le choix des mots.
Lorsque nous conversons, parlons entre nous, ce sont des voix qu’on entend. Les textes n’ont pas de voix, ils sont silencieux. Ainsi, On ne peut parler de voix dans l’écriture qu’en recourant à une métaphore.
Pour résumer ce billet, nous retenons que :
- Le timbre de la voix est un élément d’identification et de reconnaissance. Il est unique.
- Nous employons différents tons de voix à différents moments et situations. Cette voix laisse le plus souvent transparaitre nos émotions, notre ressenti.
- Notre voix change en fonction des différentes personnes avec qui on interagit.
Ainsi, c’est la façon dont vous allez choisir vos mots, les mettre ensemble dans différents ordres, les contextualiser, c’est tout cela qui donnera un « style », une « voix » à votre écriture.
Il s’agit ici de converser, de parler, pas avec votre voix, des gestes, des signes, des expressions faciales, ou votre corps, mais de parler avec des mots.
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